« Les intellectuels doivent reconstruire une philosophie du progrès au 21ème siècle »

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Comment selon vous l’innovation va sauver le monde ?

Ce titre est une provocation car l’innovation, en elle-même, est neutre. Seule l’innovation couplée à une philosophie renouvelée du progrès permettra de sauver le monde, d’où le sous-titre du livre.

Aujourd’hui le monde a la technologie, certains pays ont l’économie, quasiment personne n’a de philosophie. La technologie peut en théorie résoudre les grands problèmes de santé publique, d’environnement ou de mobilité. Encore faut-il une bonne politique économique pour que ces inventions deviennent des innovations qui généreront des emplois et dont chacun pourra profiter. Mais pour que ces grandes vagues d’innovation, c’est-à-dire de destruction-créatrice pour reprendre la terminologie schumpétérienne, ne déstructurent pas la société et ne dégénèrent pas en conflit, les intellectuels doivent reconstruire une philosophie du progrès au 21ème siècle, c’est-à-dire sans la naïveté des lumières. Sinon les opinions publiques iront chercher des réponses à leurs craintes de l’avenir dans le nationalisme politique et le fondamentalisme religieux.

Quelle est la profondeur de la mutation induite par les NBIC ?

Les NBIC auxquelles il faut ajouter la robotique et l’imprimante 3D représentent une vague de destruction-créatrice inédite à l’échelle de l’histoire de ces 10000 dernières années pour deux raisons. La première est liée au potentiel de déstabilisation de ces innovations.

Les biotechnologies modernes remettent en cause le fonctionnement de nos systèmes de santé et de nos Etats-providence. La robotique couplée et l’intelligence artificielle vont faire muter le travail humain comme jamais. La deuxième raison, c’est que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une mutation technico-économique opère à l’échelle de la planète, alors que la révolution industrielle ou la Renaissance étaient géographiquement circonscrites. Aujourd’hui, le monde entier est concerné. Regardez le développement des start-ups en Afrique, sans parler, évidemment, de l’Asie, le continent le plus technophile.

En quoi l’Intelligence Artificielle est-elle, comme vous dites, une « blessure narcissique » pour l’humain et comment la surmonter ?

C’est Freud qui, dans son introduction à la psychanalyse, introduit la notion de blessure narcissique. Selon lui, les grandes périodes de progrès scientifiques comme la révolution copernicienne ou Darwin sont des périodes dépressives pour l’humanité car elles remettent en cause la façon dont l’humain se perçoit. C’est très exactement ce que nous vivons avec l’intelligence artificielle qui vient nous concurrencer sur le terrain de la raison et de la prise de décision. Nous la surmonterons en comprenant que la machine, aussi perfectionnée soit-elle, et l’humain, ne sont pas substituables mais complémentaires. Ce qui nous permettra aussi d’aborder la question du travail sous un autre angle. En effet, tant que subsistera une différence entre l’homme et la machine, ce seront des facteurs de production complémentaires, et les investissements technologiques nécessiteront autant d’investissements en capital humain, en emploi….

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