Joël de Rosnay, Docteur es Sciences, biologiste, prospectiviste et écrivain est Conseiller du Président d’Universcience
Qu’est-ce que le Macroscope ?
Trente ans après sa parution, Le Macroscope reste le livre fondateur de l’analyse systémique en France. Cette analyse facilite la compréhension et l’étude de l’infiniment complexe, comme le microscope facilite l’étude de l’infiniment petit et le télescope celle de l’infiniment grand. Le macroscope est un outil virtuel permettant la compréhension et le management de la complexité. L’approche systémique est appliquée dans le Macroscope à trois domaines fondamentaux: l’énergie, l’information et le temps.
L’approche analytique se concentre sur les éléments, la systémique étudie ce qui relie ces éléments. C’est aussi une perception globale, qui intègre la durée et qui permet de jouer sur des groupes de variables de façon simultanée par le biais de la simulation. De plus, si l’approche analytique est adaptée à l’action programmée, l’approche systémique ouvre les perspectives de l’action par objectifs.
Vous avez écrit le Macroscope en 1975. Comment le relisez-vous aujourd’hui à la lumière des progrès technologiques et organisationnels réalisés depuis 40 ans ?
L’application de l’analyse systémique à l’énergie, l’information et le temps, a débouché sur de nouveaux concepts comme la bio-industrie, l’éco-énergétique, l’écotechnologie ou encore Internet, décrit à l’époque dans le chapitre « Vers la société en temps réel » comme un système mondial d’interconnexions entre les cerveaux des hommes et ceux des ordinateurs.
Appliqué à l’écosystème, le macroscope a permis, dès 1975, de souligner l’importance du réchauffement climatique avec le rôle des activités humaines dans la production de CO2
L’approche systémique du Macroscope a mis également en lumière la notion de seuil avec émergence de propriétés nouvelles, comme l’intelligence collective, l’intelligence artificielle et la robotique. Des sujets d’une grande actualité en relation avec le fin du travail ou le sens de la vie.
En quoi le Macroscope peut-il être aujourd’hui un outil précieux au service des décideurs publics et privés ?
Il faut tenir compte des interdépendances et de la dynamique des évolutions. En contraste avec l’approche analytique cartésienne traditionnelle. Il faut aussi prendre en compte la notion de symbiose. La symbiose est un mécanisme à la base de la complexification des systèmes. Son fonctionnement s’inscrit dans une spirale au sein de laquelle peuvent intervenir les décideurs : Par exemple, des agents (ou des idées, des projets) capables de se reproduire évoluent avec leur environnement. Les interactions qu’ils ont entre eux, par l’intermédiaire d’autres agents ou des réseaux de communication, aboutissent à des structures, comportements et organisations diverses. La mémorisation de ces nouvelles structures ou de ces mécanismes évolutifs, que ce soit par codage chimique (dans le cas des molécules, par exemple) ou par la culture (pour les sociétés humaines, par les « mèmes », gènes culturels selon Richard Dawkins) assure la transmission des informations aux nouveaux agents.
Cette spirale de la complexité peut être vertueuse ou négative selon que l’agent s’adapte ou non aux fluctuations de l’environnement. Il existe alors trois évolutions possibles pour chaque système complexe : 1) Le désordre s’accroît plus vite que la capacité du système à remettre de l’ordre : c’est la désorganisation et la disparition. 2) L’auto-organisation et l’entropie (le désordre) se compensent : c’est le statu quo. 3) L’auto-organisation du système augmente plus vite que l’entropie : c’est l’accroissement de la complexité.
Le macroscope est un outil essentiel pour le management de la complexité car il permet au décideur de tenir compte des trois types d’évolution des système complexes, comme l’entreprise ou un organisme public et de le faire évoluer dans le temps.